Le deuil est un processus allié de transformation intérieure, propre à chacun, naturel et inconscient, Il sollicite beaucoup d’énergie pour « panser cette plaie du cœur et du corps » car c’est le deuil de l’autre et d’une partie de soi qui ne reviendra jamais.
Ce processus évolutif est un long chemin parsemé d’étapes qui nous permet d’apprendre à composer avec l’absence physique, d’apprivoiser tant bien que mal la souffrance causée par la perte, avant de pouvoir transformer le lien qui nous relie toujours à l'être aimé pour enfin reprendre le cours de sa vie.
Les étapes :
La sidération, le choc :
Le choc de la mort d’un être cher vous projette dans le chaos. Tout d’un coup votre vie bascule, c’est l’effondrement C’est un processus de protection naturelle qui se met en place afin de maintenir cet évènement à distance, souvent pendant des mois.
C’est une véritable anesthésie émotionnelle car on avance en pilote automatique, déconnectée de ses émotions.
Le rituel funéraire a une part très importante dans cette étape car il signifie, entre autres, le changement de relation avec la personne décédée.
La fuite, le déni :
On sait que la personne est décédée mais on fuit la vague de submersion. On est dans le déni et on fait tout pour détourner l’attention de sa souffrance en étant toujours en mouvement, en agitation.
Il se met en place une phase de recherche de la personne à tout prix dans le monde physique, soit en installant partout des photos, en lui parlant tout le temps, en touchant ses vêtements, en sentant son parfum, en cherchant son odeur.
On parle de la personne en boucle, on se remémore à l’oral ses goûts, ses habitudes. On cite son prénom pour continuer le lien avec elle. Passer d’une relation sensorielle à une relation qui n’est plus sensoriellement déterminée (ne plus se voir, se toucher, se regarder, se sentir).
Cette phase n’est pas pathologique, elle est normale et fait partie du processus de deuil.
Il survient alors très souvent l’apparition des signes nommés VSCD (vécus subjectifs de contacts avec un défunt).
La déstructuration, la colère :
La personne fait face au manque de preuves matérielles de l’absent. Plus assez de lui à l’extérieur et pas assez de lui à l’intérieur. Les personnes de l’entourage appellent moins. On ne s’autorise pas à exprimer sa souffrance auprès des autres car le temps est passé. On est là mais on n’est pas là.
La confrontation avec les faits et la réalité engendre un sentiment de colère, ainsi que de nombreuses autres émotions, comme la culpabilité, les remords, le dégoût, ou la répulsion. C’est également une phase de marchandage où l’on désire remonter dans le temps pour changer ses actions et inverser la situation.
C’est un vécu dépressif qui peut durer environ 2 ans mais ce n’est pas une dépression. Ce sont des vagues émotionnelles « je vais mieux, je vais moins bien »
Il est primordial pendant cette phase de prendre soin de soi : remplacer le « je n’ai pas envie » par « je n’ai pas envie mais c’est nécessaire pour moi ».
Le deuil rend également plus fragile un terrain pré existant, d’où l’importance d’accepter l’aide extérieur quand cela est nécessaire.
De la tristesse à la résignation :
La période la plus douloureuse, après le premier anniversaire, on a l’impression qu’on ne s’en sortira jamais.
On fait croire que ça va alors que notre intérieur est dévasté. On a peur de l’oublier, peur de devenir fou tellement l’absence et le manque sont là et nous font mal.
On perd alors tout espoir et on finit par se résigner car le temps commence à faire son œuvre, on entre doucement sur le chemin de l’acceptation.
De l'acceptation à la restructuration :
Au fil du temps, on apprend à se redéfinir soi par rapports aux autres. On peut continuer à vivre sans culpabiliser et on peut aimer à nouveau, différemment mais plus en paix avec soi et avec le monde.
On redéfinit la relation avec l’absent. "Qui suis-je désormais ?". On passe d’une relation objective à une relation subjective, on crée une autre nature de relation.
On se dit « tiens aujourd’hui je n’ai pas pleuré, je ne l’ai pas cherché partout ». On est plus en paix avec l'absent.
On aborde alors une vision plus spirituelle : "qui suis-je devenu par le fait de t’avoir connu, aimé ?", "cette épreuve m’a transformé, mais de quelle façon ?".
On peut enfin garder un lien approprié avec l’être aimé et réinvestir le monde.
L’accompagnement :
Tout au long de ces étapes, il est crucial de prendre soin de soi. Il peut exister, pour certaines conditions de la mort de la personne (brutale), des syndromes de stress post traumatiques reconnaissables par des images intrusives ou des cauchemars à répétition, une hyper vigilance dans le temps, un évitement plus ou moins conscient de tout ce qui me relie à l’événement initial de la mort de la personne.
Verbaliser le récit du deuil fait également partie du processus et tous ces échanges ont pour but de libérer la charge émotionnelle. Ainsi, au lieu de la perdre, on se réapproprie l’être aimé doucement :
-L’histoire de vie : « Qui as-tu perdu ? », « Parle-moi de cette personne, de la relation que tu avais avec elle ».
-Le récit : « racontes moi l’accompagnement, les circonstances du décès, de l’événement jusqu’à l’arrivée des secours et jusqu’aux obsèques ».
-Le quotidien : « Où en es-tu ? » (Sommeil, thérapies, sport…), « ton entourage social ?» (Les alliés), « tes émotions ? » (Peurs, reprise du travail, culpabilité, colère, idées noires,...), « Et sur le plan matériel ? spirituel ? » (Le sens des choses).
Associé à la souffrance, le récit est aussi considéré comme un processus nécessaire de délivrance. et un cheminement intérieur se fait alors, nommé résilience.
Que la perte d’un être cher soit récente ou pas, il n’est jamais trop tard pour se faire aider si l'on en ressent le besoin tout en considérant le fait que rien n’est définitif car tout évolue en permanence et que chaque chemin est différent.
La traversée du deuil va nous permettre de transformer le lien d’amour qui nous unit à l’être cher, au-delà du lien physique.
Il n’y a pas d’échelle de valeur dans la souffrance et quelle que soit le deuil vécu et ressenti, c’est une perte de repère qui mérite écoute et douceur.